Préface
Voici le livre d’un grand clinicien ! Un délice pour tout professionnel ou toute
personne intéressée par l’hypnose médicale. Le lecteur y trouvera tout ce que Jean-
Claude Espinosa a enseigné sur l’hypnose pendant des années. Il le trouvera sous une
forme claire, avec, en même temps, l’écho de l’oral de ses cours : on le voit, on
l’entend au milieu de ses élèves, avec des raccourcis et des prolongations selon les
thèmes traités suivant ses auditoires, et maintenant adaptés à nous tous.
Dans une première partie, après un résumé de l’histoire de l’hypnose, l’auteur
expose la nature du processus hypnotique, décrit la transe hypnotique, les techniques
d’hypnotisation et les phénomènes hypnotiques.
Faisant transition avec la deuxième partie, il nous parle des contes et des méta-
phores, sujet dont il est un des plus grands spécialistes : alors, bien sûr, ce passage
est un des sommets de l’ouvrage. On y apprend la structure et le vocabulaire des
contes et il nous en raconte d’ailleurs un grand nombre, ce qui est très joyeux, agréable
et facilement utilisable dans la pratique.
Puis, dernière partie, il passe aux applications thérapeutiques de l’hypnose dans
les domaines les plus variés de la pathologie (allant de la douleur à la dépression et
aux troubles névrotiques) aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant, avec pour chacun
de ces thèmes cliniques des propositions de « protocoles » thérapeutiques. Le mot
« protocole » est assez inadapté, si on lui donne son sens de schéma de soins rigide.
Disons plutôt que l’auteur tente, souplement, de donner des idées aux thérapeutes
sur ce qu’ils peuvent faire concrètement dans chacune des situations évoquées.
Mais parlons un peu de Jean-Claude Espinosa. Quand, il y a quarante ans, je l’ai
rencontré à un congrès d’hypnose médicale à Paris, je ne savais pas que sa fréquenta-
tion, assidue depuis, serait une des expériences les plus importantes de ma vie. Il
était le modérateur d’une séance dans laquelle j’intervenais pour raconter comment je
traitais certains tics des enfants. Plus je parlais, plus je voyais ses yeux s’arrondir, se
rétrécir, s’arrondir et se rétrécir encore, et sa bouche tomber vers le bas, se relever,
retomber puis à nouveau se relever pour finir dans un grand éclat de rire, à l’unisson
d’un public hilare. Ce que je disais était pourtant très sérieux, mais Jean-Claude m’a
dit l’année suivante que, ce jour-là, il avait cru avoir affaire à un fou mais qu’il avait
quand même bien ri. De là est née notre amitié profonde.
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L’hypnose thérapeutique
Aujourd’hui, je lui retourne le compliment d’une autre manière. Pendant des
années, il m’a beaucoup fait rire par son humour direct, incisif, dénouant gentiment
mais efficacement les hypocrisies qui nous compliquent la vie, celles de nos patients
et les nôtres, thérapeutes. Et il m’a surtout beaucoup appris ; c’est pourquoi je ressens
comme un grand honneur que ce Maître m’ait demandé cette préface.
En effet, le modeste Jean-Claude Espinosa est un très grand connaisseur de la
nature humaine. À lui seul, il est une gigantesque bibliothèque d’expériences vivantes.
Ce natif d’Afrique du Nord y a connu la beauté bleue, lumineuse et légère des
cieux de là-bas, mais aussi la guerre d’Algérie. Rentré en métropole, il y fait ses études
de médecine et devient neuropsychiatre et pédopsychiatre en 1972.
La neuropsychiatrie ne le satisfaisant pas, parce qu’elle réduisait toute la souffrance
mentale à la chimie cérébrale et faisait l’impasse sur la vie de l’âme et les effets de la
relation interhumaine, il est devenu psychanalyste. Mais, bien sûr, notre aventurier
n’est pas devenu psychanalyste freudien, comme la doxa de l’époque l’imposait, mais
jungien. Il est allé chez les hérétiques, ces jungiens qui répudiaient le pansexualisme
freudien, s’intéressaient à toutes les cultures du monde, à leurs récits et légendes
pour tenter d’y trouver des archétypes inconscients universels, des principes invariants
sources de cette créativité humaine si variée selon les époques et les cultures qu’elle
semble n’avoir aucune borne.
D’où son régal dans les années 1985-1986 de trouver chez Erickson le même goût
que lui pour les contes et légendes et la même conviction que chacun d’entre nous
peut trouver dans son inconscient une source positive d’inspiration, lequel n’est pas,
comme Freud le considérait, un réservoir de pulsions maléfiques.
C’est ainsi que notre homme, praticien libéral avec une énorme activité en Avi-
gnon, est devenu hypnothérapeute et a formé ensuite des centaines de professionnels
de la santé à l’hypnose. Avec bonhomie. Avec lui, jamais aucun de ses stagiaires ne
s’est senti écrasé par un « sachant », comme aurait dit Lacan. Dans son enseignement,
s’il est exigeant, il est aussi fraternel.
Jean-Claude a compris très tôt qu’en interrogeant un patient, il récoltait d’innom-
brables données, des vagues d’information tellement abondantes et parfois si furieuses
qu’elles pouvaient les noyer tous les deux, le sujet et lui. Il lui fallait donc, prenant la
mer, savoir l’observer, l’estimer et naviguer entre toutes les données qu’elle lui donnait
pour repérer lesquelles étaient des alliées, utiles au voyage thérapeutique, et les autres
dangereuses, comme aussi les coups de vent soudains et les récifs inaperçus.
Notre homme, observateur attentif et homme d’action, en effet, est un marin qui
a navigué sur toutes les mers du monde. Il a même passé le cap Horn, le Graal des
passionnés, et lors d’une traversée vers le Venezuela en solitaire, il a dû, sur son
voilier de quinze mètres, affronter un cyclone à mains nues, ce qu’il évoque dans ce
livre et qui a été une des expériences les plus enrichissantes de sa vie, m’a-t-il confié.
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Préface
Cet observateur attentif est donc aussi, naturellement, tombé amoureux de la photo-
graphie qui est sa deuxième passion. Ses passions pour la mer et la photographie, il
les a toujours cachées à ses confrères thérapeutes. Quand je lui ai demandé pourquoi
il ne nous en avait jamais parlé, il m’a répondu : « Pour vivre heureux, vivons cachés. »
Mais je suis heureux que nous les connaissions, son humilité eût-elle à en souffrir. Il
préfère transmettre que parler de lui. Et transmettre, c’est ce qu’il fait brillamment avec
ce livre agréable, clair, savant et pratique.
Dominique Megglé
Médecin psychiatre
Ex-président de l’institut Milton Erickson Méditerranée de Toulon